Magdeleine VESSEREAU

(né en 1915)

Son enfance se passe dans le Calvados ; elle aime passionnément la nature, écrit et dessine. Sa vocation de peintre étant contrariée par sa famille, elle fait des études secondaires classiques (elle étudiera par la suite le russe à l'Institut des Langues Orientales). Après son mariage (1935), elle commence seule l'étude du dessin, dont elle découvre, au cours de séjours prolongés en Savoie et en Suisse (1935/1939), qu'il est un mode d'expression complet. Sa première exposition, en 1949 (Paris, Galerie des Garets), sera suivie de nombreuses autres en France et à l'étranger, mais son paysage de prédilection est la forêt de Fontainebleau.

Cette petite femme tirée à quatre épingles, un peu agitée et volubile, est une force de la nature. Le lyrisme rayonne d'elle. Curieuse sibylle, égarée dans l'époque la moins faite pour la recevoir ! Son œuvre s'impose par sa qualité d'évidence, et quoi de plus déconcertant que l'évidence, parmi tant d'équivoque et d'incertitude ? Il y aurait depuis les années cinquante, où elle recueillit la ferveur d'un petit nombre. Magdeleine Vessereau a élu domicile dans le massif de Fontainebleau, qui était déjà pour les romantiques une réserve de nature vierge. Mais elle préfère aux sites "pittoresques" le secteur des Trois Pignons, sa maigre végétation de broussailles, de pins, de bouleaux épars dans le sable et le fatras des rochers. Les idées reçues n'ont pas prise sur ce paysage irréductible aux conventions du beau. Ses disparates, ses perspectives trompeuses, déroutent les habitudes : il faut l'apprendre comme une langue inconnue. Notre solitaire s'enfonce dans la nature d'un pas dansant, chargée de son attirail comme un paysagiste d'autrefois. Elle arpente et hume l'espace, l'éprouve avec tout son corps.
Le dessin participe à cette prise de possession, dont il ponctue les étapes ou marque le paroxysme. Il fait surgir du tumulte des impressions l'ellipse décisive qui les résume dans leur vivacité.

L'écriture brève, exaltant le blanc du papier, sans effusion superflue, sans emphase ni brusquerie, sans complaisance dans le tracé des arabesques, sans cuisines, sans "repentirs", nous restitue la réalité sensible dans sa saveur et son mystère. Le dessin peut se contraindre à la minute ou au schématisme, mais le dépouillement qui lui est inhérent triomphe dans les effets abrupts, et sa ductilité le destine avant tout à la notation de l'immédiat. Il est fait pour saisir l'éclair d'une sensation, pour "trahir" la fébrilité du geste et comme le battement du cœur. On dit que l'art est mort, qu'il est absorbé par le "multiple", qu'il ne survit que dans la négation ou la parodie. Ces propos ont certainement une vérité statistique, mais il suffit de quelques francs-tireurs pour changer la face des choses. Le destin de l'art n'est pas une affaire de majorité, comme celui des républiques.

Pierre Georgel

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