Suzanne VALADON

(1867 - 1938)

Avec sa forte saveur d'époque, l'œuvre de Valadon se révèle étrangement proche de notre sensibilité. Son réalisme pouvait sembler anachronique à l'époque du cubisme, trivial à celle du surréalisme. Nous y goûtons aujourd'hui le charme des choses "telles quelles". Beaucoup de nos contemporains cherchent à le retrouver, mais trop de réflexion, d'ironie, les en sépare _ et aussi un désaccord de plus d'un demi-siècle entre la peinture et le réel. Aurions-nous perdu la faculté de percevoir ? Cette humanité "primitive" nous touche comme le souvenir d'un paradis perdu. Les grandes compositions de 1909-1914 (Adam et Eve ), La joie de vivre, Jeux, Le lancement du filet , où passent des souvenirs de Gauguin, de Holder, même de Puvis, apportent une contribution non négligeable au mythe de l'âge d'or illustré par Matisse et par Derain.
Je suggère aux administrateurs de Balthus de porter leurs regards sur les dessins de Valadon autour de 1900. Ils ne devraient pas en méconnaître la qualité bizarre, d'autant plus saisissante qu'elle n'est pas délibérée. Que d'innocence ou que de perversité dans la fillette nue assise sur le sol ! Voici une page inédite dans l'imagerie de l'Eros moderne, même si le schéma formel vient de Degas. Il y a bien d'autres découvertes à faire chez Valadon, et qui dérangeront beaucoup d'idées reçues. Le Musée national d'art moderne, qui a la chance de posséder l'ensemble le plus considérable de ses œuvres conservé dans une collection publique.

Pierre Georgel

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